Vous allez au cinéma cet été? (2013)

Racontez-nous vos films de l'été, vus à la télé, en dvd ou, mieux encore, au ciné. Qu'avez-vous aimé ? Pourquoi? Laissez-nous vos remarques et critiques constructives , en signant de votre prénom, s'il vous plait.

Et profitez-en pour aller voir les films 2012/2013 de l'atelier 3ème et de l'option lycée. Vous pouvez aussi voir le travail de la classe de 4ème "projet cinéma", relire le compte rendu de la visite de Sophie Avon (critique de cinéma).

5 commentaires:

  1. Happés par les ombres, n'en surgissant que pour voir leurs figures éclairées de couleurs à la fois vives par leur ton et froides par leur beauté lisse, glaciale et presque électrique, les personnages du dernier film de Nicolas Winding Refn, "Only God Forgives", n'apparaissent que peu humains. Et lorsque dès l'ouverture l'un d'eux, quittant le club de boxe qu'il administre, couverture d'un réseau de drogue, s’aventure dans Bangkok afin d'y "rencontrer le diable", l'équivoque n'est déjà plus permise.

    Parti hanter les maisons de passe, où il commande de la toute-puissance qu’il s’octroie, il n'en reviendra pas, assassiné par un homme dont il a violé et tué la fille, sous le regard bien ou malveillant d'un policier à la morale ambigüe, qui juge froidement et exécute avec précision, comme on le verra par la suite.

    En quelques minutes, la spirale de violence est lancée, la valse mortuaire dans laquelle les personnages vont se déchirer est déjà consommée, implacable et inéluctable.

    Sous l'égide d'une mère toute puissante et castratrice, Julian, incarné par Ryan Gosling avec une justesse incroyable, se voit sommé de venger la mort de son frère, tâche qu'il accomplira malgré une réticence liée à son impuissance totale.

    Impuissance physique d'un combattant qui préfère déléguer sa tâche funeste à un autre et qui, lorsque viendra à lui l’affrontement, n'arrivera pas à porter un seul coup.

    Impuissance sexuelle d'un homme qui, ne pouvant jouir ni agir, se contente de fantasmer et, dans la prolongation du geste du frère, tente d'acheter ce qu'il ne peut réellement obtenir, comme si la matière pouvait en imposer à son esprit.

    Impuissance spirituelle d'un être qui se sait déjà mort, et cherche une rédemption que ne pourrons lui offrir ni la mère, ni le policier investi d'une aura proche de celle d'un Dieu le père.

    [pour raison technique, je coupe cette critique en deux messages]

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  2. Les perspectives limitées du personnage, marquées par l’emploi de surcadrages, soulignent encore l'étrange destin d'un homme qui, insatisfait par ce qui est, ne peut se saisir de ce qui pourrait être, et laisse reposer rêves et espoirs dans le domaine inaccessible de ce qui n'est pas. Il n’est pour lui d’autre possible que celui auquel son impuissance le condamne.

    Les personnages ne parlent pas, ou très peu, car leurs actes expriment le peu de choses qu’ils ont à dire. De la haine souvent, des regrets parfois, mais jamais de pitié. Après chaque exécution, on retrouve le policier chantant dans un karaoké, comme une proclamation d'une victoire qui ne se traduit que par la possibilité de prolonger sa vie.

    Car là est le balai mortuaire exposé par le réalisateur, celui d'une vie à laquelle les personnages, impuissants, ne peuvent échapper. Celui d'une mort implacable venant sanctionner les pêchés que seul un Dieu pourrait pardonner.

    Celui-ci, annoncé par le titre, est omniprésent par la recherche que lui accorde, peut-être inconsciemment, Julian, sans jamais réellement aboutir. Alors que la violence se déchaîne et referme l'étau autour de lui, sans aucune retenue graphique mais dans un esthétisme soigné et à la symbolique frappante, celui-ci ne fera qu’ébaucher de possibles accomplissements personnels, tel un retour aux entrailles de la mère, décédée au pied d'une croix.

    Errant dans un labyrinthe de murs gigantesques aux teintes rouges et bleues glacées qui pourrait être sa propre psyché, marquée par des pulsions fortes mais aseptisées et irréalisées, il avance vers une obscurité dont il sait qu'elle est la perte certaine qui l'attend au bout du chemin.

    Condamné par un Dieu absent qui ne saurait lui pardonner, il avance, résigné, vers la mort certaine, sans jamais atteindre la rédemption souhaitée, la possibilité d’échapper aux fruits d’une vengeance qu’il n’a pas souhaité, ni même la simple capacité d’aimer, ou de croire en qui que ce soit.

    Une maîtrise technique parfaite, un rythme subtilement instable et des acteurs hors-pair font, à mon sens, de ce récit onirique et allégorique un véritable chef-d’œuvre.


    Paul.

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  3. Suivant un mode quasi-documentaire, l’introduction du dernier film de Guillermo Del Toro, « Pacific Rim », nous introduit immédiatement à l’univers et au concept du film : dans un futur proche, une brèche inter-dimensionnelle s’est ouverte au fond de l’Océan Pacifique, permettant à des Kaiju (terme japonais désignant les monstres géants dont Godzilla est une des icônes) de s’introduire sur notre planète. Afin de repousser la menace, tous les gouvernements se sont alliés et ont développé des Jaeger (terme allemand signifiant chasseur), qui ne sont autre que des robots géants.
    Avec une ironie non masquée, le narrateur explique également comment le succès de ces opérations ont entrainé une dédramatisation de cette guerre Kaiju / Jaeger, notamment via la vente de nombreux produits dérivés.
    Ce qu’il explique beaucoup moins, en dehors de son histoire personnelle liée à la perte de son frère dans un combat, c’est comment on en arrive à la situation réelle du film : un programme Jaeger qui survit sous l’égide d’un colonel déterminé, tandis ques les gouvernements coupent les budgets au profit de la construction d’un gigantesque mur océanique dont l’inefficacité sera attestée rapidement dans le film.
    A ceci s’ajoute la fréquence répétée des attaques de Kaiju, qui mènent le général susmentionné à mettre au point une énorme opération en vue de colmater la brèche avec une ogive nucléaire.
    Mouais. En gros, Del Toro joue avec les classiques du genre (Evangelion et Godzilla, pour ne citer qu’eux) pour nous en mettre plein la vue dans un film d’action au scénario digne d’un jeu d’enfant où la crédibilité scientifique et la finesse n’ont pas vraiment leur place.
    Force est de constater de sa réussite dans ce domaine : les images sont très belles, les effets spéciaux sont d’une qualité incroyable, les scènes d’action sont démesurées sans jamais que cela n’empêche leur lisibilité. Le travail sur les lumières bleues et rouges à l’intérieur des Jaeger, ainsi que sur l’apparence de ceux-ci et des Kaiju est chiadé, et le spectacle est véritablement au rendez-vous.
    En revanche, au milieu de toute cette action, les personnages ont du mal à se faire une place et à développer leur personnalité, à l’exception peut-être de quelques figures secondaires, tel un scientifique fan de Kaiju qui sert de contrepoint comique.
    Quant à certaines thématiques chères à Del Toro, telles l’enfance ou le rêve, elles arrivent à s’immiscer dans le film, notamment grâce à son innovation principale, la Dérive, sorte de transe permettant à deux pilotes de synchroniser leurs esprits afin d’endosser la charge neuronale que nécessite la maîtrise du Jaeger. Cependant elles ne sont pas réellement développées, ce qui est regrettable dans le sens où il y avait là un biais de dépasser le simple blockbuster pour introduire une touche plus personnelle au film, plus réfléchie.
    Le scénario est efficace, mais sans surprise, et les innovations, telle la Dérive, ne sont au final que peu exploitées. Même les références à la géopolitique actuelles sont simplistes, et ne mènent nulle part : si les pilotes sont de différentes nationalités, ce sont finalement les Américains et les Japonais qui vont faire la majorité du travail ; les gouvernements, pour ce qu’ils montrent, n’affichent aucune cohésion, contrairement à ce qui est annoncé dans l’introduction ; les équipements sont estampillés US Army et le sens de l’honneur est typique de l’héroïsme hollywoodien. A la limite, on peut voir un rapprochement entre les Etats-Unis et le Japon, comme l’effacement du traumatisme de la bombe atomique, pourtant sous-jacente dans certaines séquences, dans les Jaeger et dans les Kaiju eux-mêmes.
    A mon goût, ce n’est au final qu’un spectacle, certes impressionnant et maîtrisé, mais manquant de personnalité et de portée dans le sens où l’on y apprend rien, l’auteur s’investissant plus dans la forme, très soignée, que dans le fond, assez inconsistant.


    Paul.

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  4. L’héroïne du dernier film de François Ozon est, comme l’annonce le titre, « Jeune & Jolie ». Mais si ce dernier est calqué sur celui d’un magazine féminin récemment disparu, Isabelle, elle, ne se rattache à aucun modèle.
    Elle est le centre de gravité du film, qui la suit durant quatre saisons, tandis qu’elle consomme ses dix-sept ans, âge auquel « on n’est pas sérieux », selon Rimbaud, dont le poème sera récité par une classe de lycéens. Clin d’œil moqueur d’Ozon, au même titre que les chansons de Françoise Hardy dont il rythme le récit, car cette citation, à force d’être répétée, fait désormais partie intégrante de la norme amoureuse contemporaine. Incarnée avec une profondeur et une véracité incroyables par Marine Vacth, Isabelle, elle, ne rentre dans aucune norme, et c’est bien là l’intérêt du film, qui expose une personnalité unique, sans tomber dans le piège du portrait générationnel porteur d’un débat de société.
    Ici il n’y a pas d’explication définitive, pas de justification, pas de réponse. Pourquoi cette jeune fille à qui rien ne manque en apparence décide-t-elle de se prostituer ? Elle-même ne semble pas savoir. Les pistes sont nombreuses, aucune n’est clairement suivie, et au fond, peu importe, puisqu’il n’y a pas de leçons à tirer du film, sauf peut-être des enseignements personnels, liés aux échos que peut créer le personnage au vécu du spectateur, en fonction de sa lecture.
    Le personnage encourage cette multiplicité des regards par son ambigüité. Exprimant souvent un vide sentimental profond, elle agit cependant avec une sensualité débordante. Ce paradoxe pourrait être celui d’une figure sur papier glacé ; on n’est peut-être pas si éloignés du magazine que ça, en fait.
    La différence, c’est que Isabelle n’est pas un modèle. Au contraire, elle semble dans une perpétuelle recherche d’elle-même, en quête d’existence et peut-être d’une certaine stabilité. Au psychologue qu’elle consultera après que son activité ait été démasquée, elle déclarera que ce qu’elle aimait dans celle-ci, c’était de prendre rendez-vous, d’y aller, de ne pas savoir sur qui elle allait tomber. L’acte en lui-même ne devenait intéressant que a posteriori, motivant l’envie d’initialiser un nouveau cycle, faisant naître un certain désir, plus lié à l’idée de l’acte qu’à sa réalisation.
    Le spectateur se retrouve témoin de cette errance existentielle, à la recherche d’une sensibilité et de cet obscur objet qu’est le désir. On la voit y aller ; y être ; en revenir. Ne pas prendre de plaisir. Garder l’argent sans s’en servir. Se doucher à chaque fois. Regarder un film porno, et rester le regard pantois devant une jouissance simulée à laquelle elle ne peut ni accéder ni réellement croire.
    Entre un père absent mais dont elle ne se plaint pas, une mère inquiète à qui elle fait peur mais à laquelle elle s’identifie parfois, un beau-père qu’elle s’amuse à charmer et un petit frère avec qui elle entretient des conversations presque incestueuses, il pourrait y avoir matière à penser sur un certain déterminisme social. Mais non, Ozon se joue de tout cela, il ne s’intéresse qu’à son personnage, à ses paradoxes, à son questionnement sous-jacent, que les mots ne peuvent exprimer.
    Se jouant des attentes du spectateur, il le soumet à accepter le film dans ses limites, qui en font la grandeur : la seule universalité, c’est celle de l’humain dans son intimité. Le reste, le contexte, n’est ici qu’arbitraire, erratique, et a pour seule vocation d’offrir un cadre à l’histoire de ce personnage unique et fascinant, si complexe dans son apparente pauvreté sentimentale.

    Paul.

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  5. J'ai quelques critiques de retard, dont celle de le "Trilogie de l'Enfance" de Bill Douglas, qui est absolument incontournable et qu'il serait inadmissible de ne pas aller voir au Cameo, où elle est diffusée la semaine prochaine.
    Tant par ce qu'elle transmet que par sa forme cinématographique très épurée, c'est un véritable joyau du cinéma d'auteur.

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